Les combats de gladiateurs
L’histoire de ces spectacles

Les inventeurs des combats de gladiateurs seraient les Etrusques chez qui, lors des funérailles de personnages importants, ils auraient été substitués aux sacrifices de prisonniers de guerre. Les combats de gladiateurs, si horribles qu'ils aient été, ont représenté, un progrès puisqu'ils se sont substitués, à l'origine, chez les Etrusques, aux sacrifices humains. Attestés dans l'Iliade par les historiens et dans la peinture (tombes, vases, urnes. sarcophages), ceux-ci n'ont d'ailleurs jamais disparu complètement.

 

Ces combats sanglants auraient été introduits à Rome entre 300 et 250 av. J.-C. (peut-être en 264). Mais auparavant, ils s'étaient répandus et développés en Campanie, un peuple de cette région, les Samnites, fournissant en abondance les combattants nécessaires. D'un rite funéraire privé, hommage dû et rendu au défunt - d'où le nom de munus (=devoir) attribué à cette pratique (au pluriel munera, très souvent employé) - on est passé à un spectacle public qui, très tôt, en prenant de l'ampleur (le nombre des combattants, faible au début, augmente sans cesse) a recueilli les faveurs du peuple.

 

Les combats deviennent un spectacle dès la fin du second siècle avant J.-C. Dans le courant du Ier avant J.-C., ils servent les ambitions des hommes politiques qui y engloutissent des sommes énormes. L'hommage rendu à un mort passe au second plan. Pour satisfaire un public de plus en plus exigeant, le spectacle, déjà sous la République, puis davantage encore sous l'Empire, devient grandiose.


Les lieux où se déroulent les spectacles des gladiateurs

A l'origine, les combats de gladiateurs se déroulèrent au Forum. Les spectateurs, qui ne disposaient pas de places assises, y assistaient dans des conditions très inconfortables, voulues par le Sénat. Ce n'est qu'au premier siècle av. J.-C. que furent construits les premiers amphithéâtres, en bois d'abord, démontables. Le premier monument en pierre date de 29 av. J.-C. Détruit lors de l'incendie de 64 ap. J.-C., il est remplacé, sous les Flaviens (71-96), par le Colisée qui continue de braver les siècles, malgré les injures du temps et le pillage des pierres par les générations successives. A noter que les habitants de Pompei avaient devancé les Romains puisqu'ils avaient construit, vers 70-65 av. J.-C., un bâtiment qui, sans porter le nom d'amphithéâtre, en remplissait toutes les fonctions. Ce type d'édifice s'est répandu en Italie et dans tout le monde romain. En Gaule, citons Arles, Lyon, Saintes parmi bien d'autres.

 

L'amphithéâtre est un vaste édifice, d'une architecture imposante et harmonieuse : le Colisée mesure 188 m sur 150 m sa hauteur étant de 52 m et son tour de 527 m. Il ouvre sur l'extérieur par de grandes arcades, portes au niveau du sol, fenêtres aux étages, qui aèrent le monument. Le public circule dans une galerie intérieure et accède par des escaliers aux étages d'où il se répand sur les gradins (cavea). Sur ces gradins, les spectateurs (de 50’000 à 60’000 au Colisée) sont répartis en fonction de la classe sociale à laquelle ils appartiennent.

 

Hommes et femmes, d'abord admis ensemble, sont séparés sur l'ordre de l'empereur Auguste. Partout des éléments décoratifs (statues, marbres, mosaïques) atténuaient la sévérité de l'édifice, tout en remplissant une fonction utile (séparation des rangées de gradins). Outre les lieux de spectacle permanents en pierre, on construit en cas de besoin, des amphithéâtres en bois, démontables, qui n'étaient pas d'une solidité à toute épreuve.

 

De la place qu'il occupe, le spectateur peut voir la cavea et l'arène. La cavea se partage en plusieurs parties. Les spectateurs importants disposent de places réservées, plus confortables. L'empereur, sa famille et ses proches occupent une loge vers laquelle convergent tous les regards quand le moment est venu de décider du sort d'un vaincu.

 

Des toiles mobiles fixées à des mâts, d'une orientation variable selon l'ensoleillement, protègent le public de la chaleur excessive : elles sont maniées par les marins de la flotte. L'arène, dans laquelle se déroulent les spectacles, est un espace (d'environ 4500 m2 au Colisée), transformable selon les circonstances (combats de gladiateurs, chasses, batailles navales etc.). A une des extrémités du grand axe s'ouvre une porte par laquelle entrent les gladiateurs, au cours du défilé pompeux qui précède le combat, à l'opposé la porte par laquelle on évacue les morts. Les ouvertures, d'où sortent les fauves, le plus souvent en hésitant parce que le passage brusque de l'ombre à la lumière, l'espace, les rumeurs de la foule les effraient (dans ce cas des employés les poussent dehors avec des torches allumées), les dispositifs ingénieux qui protègent le public et le personnel (par exemple celui-ci trouve refuge dans de petites cabanes quand les fauves se retournent contre lui, comme dans les corridas), font partie des aménagements visibles. Ce que le public ne voit pas, ce sont les installations intérieures, en particulier, les souterrains où on parque, dans les cages dont on s'est servi pour les transporter, les bêtes avant le spectacle. Des monte-charge les amèneront au niveau de l'arène dans des loges ouvrant sur celle-ci.


Les différents types de spectacles

La variété des spectacles, exceptionnelle sous la République, est devenue de plus en plus large avec le temps : pour nous, les images les plus connues sont le combat des gladiateurs, la mise à mort des vaincus et des condamnés, en particulier des chrétiens livrés aux fauves.

 

En fait les spectacles offrent des aspects bien plus divers : combat de deux hommes entre eux, combat de deux troupes armées, lutte contre des animaux (chasses), lutte d'animaux les uns contre les autres, hommes désarmés livrés aux bêtes, combats navals, représentations théâtrales à l'issue desquelles l'acteur qui joue le rôle d'un personnage légendaire, ou plutôt celui qu'on lui substitue au dernier moment, meurt pour de bon. Le spectacle consiste même parfois en des parodies de combats. Tous ces spectacles sont régis par des règles strictes qui témoignent de l'imagination de ceux qui les ont inventés et "améliorés", mais aussi de leur cruauté. Ils coûtent cher aux organisateurs.

 

Sous la République, ils sont un moyen pour les ambitieux, de se concilier les faveurs de la plèbe. Sous l'Empire, à partir de Domitien (81-96 ap. J.-C.) si les magistrats et les Particuliers peuvent encore se permettre d'en donner dans les villes de province, dans la Ville par excellence, Rome, personne n'oserait, sauf dans des périodes autorisées, très limitées dans le temps, imiter les ancêtres. Le Prince est devenu le seul dispensateur de ces festivités, marque de la Puissance et de la richesse de l'Etat, donc de la sienne, moyen d'asseoir son pouvoir sur les foules.


Les gladiateurs

Ce sont des prisonniers de guerre, des condamnés à mort, mais aussi des hommes libres attirés par le gain ou le goût de paraître, parfois même des membres de l'aristocratie (sénateurs et chevaliers). Le recrutement a beaucoup varié selon les époques. Le particulier ou le magistrat désirant offrir un spectacle s'adressait à un chef de troupe qui louait ou vendait les combattants qu'il avait recrutés et dont il assurait l'entretien et l'entraînement dans des casernes privées. Il exerçait un métier méprisé mais lucratif. Son rôle a perdu peu à peu de son importance, des particuliers entretenant eux-mêmes des troupes sans encourir aucun déshonneur puisqu'ils n'étaient pas des professionnels et n'en tiraient aucun profit d'argent.

 

Sous l'Empire, l'Etat, devenu l'unique entrepreneur de spectacles, à Rome du moins, recrute les futurs combattants dans toutes les provinces, assure leur entretien et les loges (sauf les hommes mariés qui peuvent vivre à l'extérieur) dans de grandes casernes, certaines étant réservées aux gladiateurs, d'autres aux "chasseurs". Ces casernes, outre les cellules des hommes hébergés, comportent des salles d'entraînement, des ateliers, des magasins. Y séjournent ou y sont attachés des armuriers, des forgerons, des maîtres d'armes, un médecin.

 

Il existe un grand nombre de types de combattants, qui se distinguent par leur armement et par suite leur manière de combattre(le mirmillon et le rétiaire, qui combattent souvent l'un contre l'autre - il n'est pas d'usage de faire affronter des combattants de la même catégorie). Le premier porte un casque à cimier en forme de poisson, se protège avec un bouclier oblong et attaque avec une épée. Le second, dont seul le bras gauche est protégé par une pièce métallique, s'efforce, avec un trident de tenir à distance son adversaire et cherche, avec un filet de l'envelopper et de l'immobiliser. S'il échoue dans cette manœuvre et perd son filet, son sort est scellé.

 

Certains combattants portent le nom du peuple dont ils sont originaires, le Samnite, le Thrace, le Gaulois et ont un armement qui leur est propre. Un combat se déroule selon des règles strictes, certains coups sont interdits ; celui qui les hasarde s'aliène le public et est rappelé à l'ordre par le laniste. Au terme du combat, les spectateurs imposent généralement au président des jeux ( l'editor), la décision d'épargner le vaincu ou de le faire mourir de la main de son vainqueur. Ils se montrent impitoyables à l'égard de celui qui, à leurs yeux, a fait preuve de lâcheté ou n'a pas respecté les règles du combat. Mieux vaut aussi combattre en fin d'après-midi, à l'heure où la foule, rassasiée de sang, se lasse de sa propre cruauté. On a constaté qu'avec le temps la grâce a été de moins en moins accordée et le nombre de mises à mort a augmenté, ce qui n'était pas sans poser un problème pour qu'on pût avoir des combattants à disposition.

 

Il y a un rituel de la mise à mort et, à la caserne, le gladiateur apprenait comment il faut donner la mort et comment il faut la recevoir pour mériter l'ultime éloge. Le vainqueur d'un combat reçoit des récompenses (palme honorifique, argent, objets précieux) mais il périra peut-être dans un autre affrontement. Il est arrivé à certains que ce fût de la main d'un adversaire qu'il avait épargné dans une rencontre précédente, d'où ce conseil inscrit sur les murs des casernes ; "Egorgez le vaincu quel qu'il soit". Il peut aussi être libéré par anticipation, sur décision de l'empereur, ou au terme de son engagement. Il recevait alors une baguette en bois, symbole de sa valeur et de son courage.

 

Il est arrivé plus d'une fois que le gladiateur libéré se soit rengagé, soit qu'il fût incapable de se réadapter soit qu'il ne pût se déprendre de la vie de caserne et de l'atmosphère de l'amphithéâtre. Si les combats des hommes entre eux ont abouti à de véritables massacres, ceux mettant en scène des animaux n'ont pas été moins sanglants, surtout quand il s'agissait d'une forme d'exécution capitale.

 

Les animaux aussi sont morts par milliers, animaux sauvages ou animaux domestiques On allait chercher fort loin, en les payant très cher, éléphants, rhinocéros, girafes, autruches, ours, tigres, panthères, lions etc, destinés à figurer dans la ménagerie impériale et dans les jeux de l'amphithéâtre. La nourriture des bêtes, les longs voyages par terre et sur mer coûtaient des sommes si considérables que le trésor public en fut parfois lourdement obéré. L'Afrique, l'Europe, l'Asie ont été exploitées pendant des siècles pour satisfaire les passions du peuple-roi.

 

Même un empereur philosophe comme Marc Aurèle (161-180) ne pouvait envisager de supprimer les jeux, répandus dans tout l'Empire. A son époque, ils étaient devenus plus sanglants encore. Y a-t-il eu des Romains pour s'élever contre ces spectacles ? Oui, sans doute, mais pour quelles raisons et jusqu'où sont-ils allés dans leur protestation ? Quel fut le rôle des chrétiens dans leur abolition ? C'est ce que nous essaierons de comprendre et de mettre en lumière.

 

Les historiens de notre époque ont montré que les spectateurs étaient devenus de plus en plus exigeants. L'espoir de vie des gladiateurs s'est amenuisé avec le temps : à la mort au combat s'est ajouté l'égorgement du vaincu. Il est rare sous Auguste (30 av. J.-C. - 14 ap. J.-C. et ne s'applique qu'à celui dont le public veut punir le manque de combativité ou la lâcheté (un gladiateur périt en moyenne à son dixième combat), il devient la pratique courante : à l'époque de Marc Aurèle, un gladiateur succombe à son troisième duel. On cite l'exemple d'un mécène du troisième siècle qui pour satisfaire le goût des spectateurs, n'a pas hésité à faire égorger tous les vaincus des onze paires qu'il avait fait combattre : il espérait ainsi accroître sa popularité et s'assurer un succès dans une élection locale. Pourquoi parce que les spectateurs aimaient voir comment le vaincu acceptait son sort. Ils observaient et scrutaient son visage à l'approche du moment fatal. Celui qui ne montrait aucune émotion avait bien rempli son contrat. Il avait droit à l'admiration du public.

 

Un gladiateur digne de ce nom mettait son point d'honneur à affronter la mort sans sourciller, ce à quoi il s'était entraîné dans sa caserne-école. Il nous est difficile de comprendre pourquoi un spectacle si horrible exerçait une telle fascination non seulement sur les Romains mais sur les peuples chez qui ils avaient transporté ces jeux. Certains s'y sont essayés et ont esquissé des explications.

 

Il arrivait parfois que le peuple, saisi d'un mouvement de pitié, se lassât du spectacle, même quand il mettait en scène seulement des bêtes. Nous savons que des Romains en petit nombre et objet de mépris pour cela, manifestèrent leur dégoût et leur réprobation. Des écrivains célèbres ont exprimé aussi leur hostilité à l'égard de ce que se passait dans l'arène S'ils admirent les gladiateurs pour leur courage, présenté comme un modèle dont on pourrait s'inspirer pour régler sa propre vie morale, ils les méprisent en même temps - ces combattants font partie de la lie de la population. Assister à un combat c'est perdre un temps précieux, qu'on pourrait consacrer à des tâches plus utiles et plus nobles, c'est courir aussi le risque d'être contaminé.


Le déclin et la fin de la gladiature

Progressivement dans le courant du IVe siècle avant de disparaître définitivement. Alors que le goût qu'éprouvaient pour elle les hommes et les femmes de toutes les conditions sociales, à Rome et dans tout l'Empire, avait été si vif et ne s'était guère affaibli pendant cette si longue période, alors que le dédain que suscitaient les jeux chez nombre de bons esprits n'avait débouché sur aucune action concrète. C'est sans doute qu'une évolution lente s'est produite dans les esprits et qu'elle a concerné le pouvoir lui-même. L'influence des païens éclairés et surtout du christianisme a été déterminante : les chrétiens, minorité persécutée avec plus ou moins de vigueur et de continuité selon les époques, ont vu leur nombre s'accroître dans le peuple d'abord et, peu à peu, dans toutes les sphères de la société jusqu'au moment où les empereurs eux-mêmes se sont convertis (Constantin reconnaît de fait la religion chrétienne comme religion d'Etat en 312. Il meurt en 337).

 

Cette conversion de caractère religieux a été suivie ou accompagnée d'un changement profond de l'attitude du pouvoir à l'égard des sujets. Un empereur païen ne voyait dans les populations de l'empire qu'une foule dont son administration s'occupait activement, et de façon bénéfique sans doute, mais qu'il méprisait dans son for intérieur. L'univers des gouvernants et des gouvernés n'étaient pas de la même essence. Pour un empereur chrétien, les sujets restaient des sujets mais ils étaient assurément des enfants de Dieu, comme lui-même, et il leur devait sa protection tutélaire, qui se manifestait tout autant dans la vie morale et spirituelle que dans leur existence matérielle. Or les spectacles - tous les spectacles - détournent de Dieu et souillent les âmes. L'Eglise condamne donc le cirque, le théâtre et, à plus forte raison, l'amphithéâtre, lieu de mort, d'autant plus vigoureusement que les chrétiens en avaient été maintes fois les victimes. Tous ceux qui, passant en jugement, n'abjuraient pas leur foi étaient mis à mort ou livrés aux bêtes. L'exemple le plus connu, en Gaule, est celui des martyrs de Lyon, sainte Blandine, saint Pothin et leurs compagnons en 177. La construction de la Cité de Dieu ne pouvait s'accommoder de l'existence et de la pérennité de jeux dégradants et sanglants. Les spectacles sportifs, ceux du cirque et du théâtre réapparaîtront bien des siècles plus tard, malgré l'opposition de l'Eglise pour certains, jamais les jeux de l'amphithéâtre.

 
 
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