La légion romaine

Dans le système militaire des Romains, la légion était un corps de troupes organisé de manière à constituer une unité tactique. Son nom, legio, venait de legere, «choisir», d'où «recruter», parce que, à l'origine, les hommes qui la composaient étaient, en effet, choisis parmi tous ceux que la loi appelait au service.

 

Si, à l'origine, les vieilles familles patriciennes de la Rome antique assuraient les cadres et les effectifs de la légion et fournissaient les chevaux, dès le VIe siècle av. J.-C. le soldat romain fut le citoyen paysan qui défendait sa terre : le mot «légion» s'appliqua dès lors au corps d'armée. En principe, on ne levait de légions qu'en temps de guerre. Mais, dès la fin de la République, les guerres continuelles firent des légions des corps permanents et cette transformation fut consacrée par l'Empire.


Recrutement et organisation de la légion romaine

Depuis le VIe siècle, les citoyens romains étaient divisés en cinq classes. Déterminées par la fortune, celles-ci regroupaient un nombre plus ou moins grand de centuries (qui en principe étaient au nombre de cent, d'où leur nom). La première classe fournissait l'infanterie lourde et la cavalerie (constituée de 18 centuries sur les 100), les deux dernières, les fantassins légers ; la classe des capite censi, ou prolétaires, était dispensée du service. Théoriquement, les citoyens devaient quarante ans de service à la République (dans la pratique, entre 17 et 35 ans) ; Rome pouvait ainsi disposer d'un grand nombre d'hommes mobilisables.

 

Jusqu'au Ier siècle av. J.-C., l'armée romaine comprit quatre légions, composées de 3000 fantassins lourds, de 1200 fantassins légers et de 300 cavaliers.

 

L'infanterie, qui constituait la force principale de la légion, fut, dès l'origine, divisée en centuries, groupes d'environ 100 hommes. Pendant les guerres puniques, les centuries furent groupées par 2, en 30 manipules formant l'unité tactique, à raison de 10 manipules par espèce de soldats. La légion comprenait donc 30 manipules et 60 centuries. La centurie comprenait 10 décuries. Quant à la cavalerie, que l'on désignait sous le nom d'ala, parce que sa place dans l'ordre de bataille était sur les ailes, elle formait 10 turmes (escadrons) composées de 30 hommes chacune, et la turme se subdivisait elle-même en 3 décuries.

 

A la tête de chaque légion se trouvaient six tribuns militaires qui la commandaient à tour de rôle pendant deux mois et recevaient directement les ordres des consuls. Chaque centurie était commandée par un centurion, officier subalterne choisi parmi les simples soldats ; il était assisté d'un sous-centurion. Les centurions paraissent avoir formé plusieurs classes, suivant la position de leur centurie dans l'ordre de bataille. Le premier centurion des triaires (voir ci-après) recevait le nom de primipile, car il avait l'honneur de lancer le premier son javelot (pilum) ; il était généralement celui de la première centurie.

 

Les centurions avaient pour insigne un bâton fait d'un cep de vigne qui leur servait à infliger la bastonnade. Chaque centurie avait en outre un porte-étendard et dix décurions pour chacune des décuries qui la composaient. Dans la cavalerie, le commandant de l'ensemble se nommait praefectus alae, et celui de chaque décurie, décurion. Quant aux turmes, chacune d'elles était commandée par le décurion de sa première décurie. (Sous l'Empire, la légion sera commandée par un légat, officier de rang sénatorial nommé par l'empereur, ce qui rendra purement honorifique le rôle des tribuns.)

 

L'infanterie de la légion, recrutée primitivement parmi les citoyens d'après leur fortune, comprenait à l'origine autant de groupes armés différemment que de classes censitaires. Les plus fortunés, mieux armés, combattaient aux premiers rangs. A partir de Camille, qui établit la solde, la légion comprit trois espèces de soldats, les hastats (hastati), les principes (principes) et les triaires (triarii). Les hastats tiraient leur nom de la longue pique (hasta) dont ils étaient primitivement armés, et qu'ils abandonnèrent plus tard pour un javelot moins embarrassant : c'étaient des jeunes gens ; ils formaient la première ligne les jours de bataille. Les principes étaient des hommes dans la vigueur de l'âge ; ils occupaient la seconde ligne, mais il semble qu'à l'origine ils combattaient au premier rang, et que ce soit de là qu'ils avaient pris leur nom. Les triaires étaient des vétérans d'une valeur éprouvée ; ils étaient placés en troisième ligne, d'où leur nom, pour éviter la fuite des jeunes recrues. Les triaires étaient aussi appelés pilani à cause du fort javelot, ou pilum, dont ils étaient munis.

 

Indépendamment de l'infanterie légionnaire, qui constituait la base solide des armées romaines, il y avait des troupes armées à la légère destinées à commencer le combat et à harceler l'ennemi. Pendant la seconde guerre punique, cette infanterie légère reçut une nouvelle organisation et l'on donna aux soldats qui la composaient le nom de vélites, pour leur vitesse et leur agilité, grâce à la manière dont ils étaient armés. De plus, chaque légion s'adjoignait des contingents d'alliés, socii, levés parmi les divers peuples italiens soumis, en nombre égal pour l'infanterie, triple pour la cavalerie, et commandés, au-dessus de leurs chefs locaux, par des praefecti sociorum romains.

 

Par ses subdivisions, la légion était beaucoup plus adaptée à la mobilité, aux manœuvres rapides, que la phalange macédonienne. Mais elle était aussi plus facile à disloquer, comme le prouvèrent les victoires d'Hannibal, notamment celle qu'il remporta à Cannes en 216 av. J.-C., principalement grâce à sa cavalerie. Chaque soir, l'armée s'enfermait dans un camp retranché dont le centre était occupé par la tente du chef et par l'espace sacré où étaient interprétés les signes des dieux avant le combat. La discipline était implacable : le général avait droit de vie et de mort sur ses soldats.

 

L'armée romaine, non professionnelle jusqu'à Marius (fin du IIe siècle av. J.-C.), était donc une armée de citoyens soldats, ce qui posait un problème économique grave. En effet, lorsqu'il avait servi pendant 20 ans dans l'armée, le paysan retrouvait ses propriétés en friche : il avait du mal à se réinsérer dans la vie active et réclamait soit des terres (ce qui provoqua la fondation de colonies de vétérans), soit la sportule (liens de clientèle permettant au soldat de profiter du butin amassé par le général).


La légion romaine du Ier siècle av. J.-C. au Bas-Empire

Les guerres puniques, puis la conquête de la Grèce aux IIIe et IIe siècles, accentuèrent ces problèmes. Vers la fin de la République, plusieurs modifications importantes furent introduites dans l'ordonnance de la légion, notamment en 107 par Marius ; le cens exigé pour entrer dans l'armée fut supprimé : les prolétaires furent intégrés. La cavalerie légionnaire disparut. Progressivement, les effectifs furent portés de 4200 à 6000 hommes par légion.

 

Désormais, à son départ de l'armée, le vétéran recevait toujours un lopin de terre et une prime en argent, tandis que le non-citoyen, qui avait servi dans les auxiliaires, recevait la citoyenneté à sa démobilisation.

 

Les modifications essentielles visaient surtout à faire de la légion un corps unique de soldats de métier, dont tous les hommes furent uniformément armés d'un casque, d'une cuirasse, d'un grand bouclier, d'un fort javelot ou pilum, arme redoutable, et d'une épée courte à deux tranchants. De plus, l'unité tactique devint la cohorte comprenant 2 manipules sous Marius, 3 sous César. Les légions de la guerre des Gaules avaient donc 10 cohortes, 30 manipules et 60 centuries.

 

Signalons en outre que les légions n'étaient plus au nombre de quatre ; sous Auguste, qui disposera jusqu'à 50 légions après Actium, ce nombre sera ramené à vingt-trois. Sous Marc-Aurèle, le nombre des légions atteindra la trentaine ; en effet, il fallait désormais surveiller et maîtriser le vaste espace conquis.

 

Les légions furent d'abord désignées par des numéros d'ordre : légion I, légion XX, etc ; mais, en outre, chacune d'elles eut ensuite un nom particulier, tel que la Victorieuse, la Martiale, etc. Souvent aussi on les désigna soit par le nom d'une divinité, soit du pays dans lequel elles avaient été recrutées ou dans lequel elles avaient servi avec éclat, comme l'Italique, la Britannique, etc. Parfois encore, elles étaient désignées par un surnom : Pia, Felix, etc, ou telle encore la fameuse légion de l'Alouette (Alauda), qui avait été créée par César et qui était entièrement composée de Gaulois. On l'avait ainsi nommée parce que ses soldats portaient un casque orné d'un bouquet de plumes.

 

La richesse et le pouvoir des généraux (imperatores) s'accrurent, comme le prouvent les programmes de construction de Metellus et de Scipion, à Rome ou en Italie, tandis que la paupérisation des paysans soldats progressait et que des liens de dépendance s'établirent entre les légionnaires et leurs chefs.

 

Les guerres civiles du Ier siècle, de Marius à Antoine, montrèrent le danger de laisser les armées, en même temps que les provinces, aux mains de ceux qui avaient effectué la conquête de ces provinces. C'est ainsi que César, en 49 av. J.-C., alors qu'il s'apprêtait à licencier ses troupes, aguerries en Gaule, préfèra marcher sur Rome. Le Sénat avait perdu tout contrôle sur l'armée : la victoire était donnée par les dieux à un chef élu, qui, bénéficiant de la «grâce», ne recevait plus d'ordre du pouvoir central.

 

L'Empire disposait de 300’000 hommes en permanence. De plus en plus, ses troupes s'installèrent aux frontières et ne comportaient plus d'Italiens : l'armée, comme l'Empire, se provincialisa, surtout au IIe siècle après J.-C. Elle requit alors de plus en plus d'argent et, dès la crise néronienne, mais surtout après la mort de Commode, elle posa un problème politique et intervint directement dans la désignation du souverain. Les cohortes prétoriennes chargées de la garde de l'empereur, puis des légions entières de provinciaux, s'emparèrent ainsi du pouvoir politique et créèrent l'anarchie militaire : Rome n'était plus dans Rome et bientôt l'Empire succomba.

 
 
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