Le latin appartient au groupe italique des langues indo-européennes. Une fibule d'or trouvée à Préneste et porteuse d'une inscription en caractères grecs l'atteste dans le Latium dès 600 avant J.-C.
Petit à petit, avec les victoires des armées romaines, le latin devient la langue de l'Italie (prise de Tarente en 272 av. J.-C.), puis s'étend à l'ensemble du bassin méditerranéen (victoire de Zama en 202 av. J.-C.) et à une partie de l'Europe (siège d'Alésia en 52 av. J.-C.), où il laissera ensuite la place aux langues romanes. Le latin littéraire apparaît au IIIe siècle avant J.-C.
On peut distinguer dans son évolution différentes périodes : le latin préclassique ou archaïque, le latin cicéronien ou républicain, le latin impérial - jusqu'à Tacite, avec qui se termine la grande tradition romaine -, et enfin le latin chrétien et le latin tardif. La période classique est pour la prose la période cicéronienne, pour la poésie la période augustéenne.
Les spécialistes fixent la disparition du latin en tant que langue parlée tantôt au VIe siècle - considérant que l' Historia Francorum de Grégoire de Tours (538-594) est écrite dans un latin déjà corrompu -, tantôt juste avant la dernière partie du VIIIe siècle : plutôt qu'une précipitation des changements linguistiques, la Renaissance carolingienne (768- 804) aurait permis la prise de conscience que la langue parlée n'était plus du latin. Il est certain qu'à l'époque du concile de Tours (813), le peuple ne comprenait plus depuis un certain temps déjà le latin des sermons, puisque ce concile exige des prêtres qu'ils les traduisent en «langue rustique, ou en langue germanique, afin que tous puissent comprendre plus facilement ce qui est dit», formule dans laquelle Charles Bruneau a pu voir «en quelque sorte, l'acte de baptême de la langue française».
Le fonctionnement de la langue latine
Le latin se fixa un peu avant la période républicaine. C'est une langue qui possède une très grande mobilité de l'ordre des mots, grâce à son système flexionnel de six cas (nominatif, vocatif, accusatif, génitif, datif, ablatif), qui permet de déterminer la fonction grammaticale de chaque mot dans la phrase sans avoir à tenir compte de sa place. Ce système flexionnel n'exclut pas l'existence de prépositions, qui sont toutefois peu utilisées. En outre, le latin n'a pas d'articles. Ces caractéristiques en font une langue hautement synthétique. Le latin possède un ensemble de mécanismes (modes, conjonctions, etc.) qui lui permettent d'enchâsser plusieurs propositions subordonnées à l'intérieur d'une phrase principale. Il utilise trois genres (masculin, féminin et neutre) et deux nombres (singulier et pluriel).
L'alphabet latin
Il se compose de 23 lettres, les mêmes que celles de l'alphabet français, moins le w, qui a été emprunté aux langues germaniques, et les lettres ramistes j et v, inventées au XVIe siècle par l'humaniste Petrus Ramus, pour noter la prononciation consonantique des lettres latines I et u. C'est une des formes occidentales de l'alphabet grec, arrivé en Italie par les Etrusques, comme le prouvent notamment la variation entre K et C, la disparition de G et sa recréation romaine sous la forme de G à partir de C.
La syntaxe
Le latin n'a, parmi les déterminants nominaux, ni article ni possessif ; ce que les grammaires latines appellent couramment adjectifs possessifs comme meus ou tuus sont des adjectifs épithètes comparables à «mien» ou «tien» en français et non des déterminants comme «mon» ou «ton».
Les fonctions nominales
Elles sont marquées par des cas, ceux-ci n'étant toutefois quasiment jamais spécialisés dans une seule et même fonction syntaxique. Le morphème de sujet, qui a normalement le nominatif comme signifiant, présente en effet une variante à l'accusatif dans les subordonnées infinitives ou à l'ablatif dans les subordonnées participales dites à l'ablatif absolu. De même, le morphème de complément de verbe, qui a souvent comme signifiant l'accusatif, présente, après certaines classes de verbes, une variante à l'ablatif, au datif ou au génitif.
Les propositions subordonnées
Le latin présente au moins deux originalités par rapport au français. Les subordonnées complétives ont très souvent comme morphème de subordination un verbe à l'infinitif, qui entraîne pour le morphème de sujet une variante à l'accusatif : Dicunt Homerum caecum fuisse («On dit qu'Homère fut aveugle»). La seconde particularité est la possibilité de relativiser n'importe quelle structure de phrase, même des phrases à l'impératif - Hoc viderunt quod, quaeso, perspicite atque cognoscite («Ils ont vu ce que je vous prie de remarquer et de considérer», littéralement : «ce que, remarquez, je vous prie») — ou des phrases contenant elles-mêmes une subordonnée - Disputatio de amicitia quam legens te ipse cognosces («Discussion sur l'amitié par la lecture de laquelle tu te reconnaîtras», littéralement : «laquelle lisant tu te reconnaîtras»).
En ce qui concerne la négation, le latin dispose de deux variantes, ne, qui n'apparaît que dans un contexte sémantique exprimant une volonté, et non : non venit («il ne vient pas»); ne veniat («qu'il ne vienne pas»).
Pour la coordination copulative, le latin dispose de plusieurs morphèmes qui entrent dans une série d'oppositions privatives emboîtées, le morphème et signifiant simplement l'«addition», et étant non marqué par rapport à ac, qui signifie «l'addition» et «l'unité», lequel est lui-même non marqué par rapport au morphème enclitique -que, signifiant «l'addition», «l'unité» et «l'équivalence».
L'ordre des mots
Une particularité du latin, qui n'est pas proprement syntaxique, est la liberté de l'ordre des mots. Il est en effet parfaitement possible de séparer dans la chaîne syntagmatique les constituants d'une même construction syntaxique. On a ainsi une enclave, lorsque l'un des constituants immédiats d'une construction se place syntagmatiquement à l'intérieur de l'autre comme la préposition de à l'intérieur du syntagme nominal altis montibus qu'elle régit, le prédicat verbal cadunt altis de montibus à l'intérieur du syntagme nominal sujet majores umbrae, et le connecteur que à l'intérieur de la proposition qu'il introduit, dans le vers de Virgile : Majoresque cadunt altis de montibus umbrae («Et les ombres grandissantes tombent du haut des montagnes», littéralement : «des montagnes élevées»).
La morphologie
Le système nominal
Le latin est une langue qui se décline. Ses noms ajoutent en effet au lexème nominal, support de la signification, deux séries de désinences casuelles, dénommées traditionnellement le singulier et le pluriel, qui contiennent chacune six cas, appelés respectivement nominatif, vocatif, accusatif, génitif, datif et ablatif. Ces deux séries de cas connaissent cinq déclinaisons, qui déterminent cinq familles morphologiques différentes de noms.
Les adjectifs se déclinent également selon ces deux séries de six cas ; mais ils ne connaissent que deux classes morphologiques différentes, la première classe mettant en œuvre les mêmes désinences casuelles que la première et la deuxième déclinaison des noms, et la seconde classe les mêmes désinences que la troisième déclinaison.
Le système verbal
Le verbe latin, qui se conjugue, peut présenter deux séries de formes différentes que sont les voix appelées active et passive (les grammaires parlent d'une troisième voix qu'elles appellent déponente, qui s'applique aux verbes à formes passives mais à sens actif). Par exemple le lexème «aimer» fait amo («j'aime») à l'actif et amor («je suis aimé») au passif, tandis que le verbe déponent imitor («j'imite») n'est pas accompagné d'un actif imito.
Chaque voix possède deux séries de modes et de temps, l'infectum («inaccompli») et le perfectum («achevé»). La série de l'infectum se caractérise par l'absence du morphème propre à la série du perfectum.
On admet traditionnellement l'existence de cinq sortes différentes de conjugaison pour l'infectum d'après le timbre et la quantité de la voyelle finale - amare («aimer»); monere («avertir»); legere («lire»), à côté de lego («je lis»); capere («prendre»), à côté de capio («je prends»); audire («entendre»).
Pour le perfectum, il y a aussi cinq conjugaisons différentes, suivant le signifiant du morphème de perfectum.
Le lexique
Le fonds du vocabulaire latin est constitué d'un grand nombre de mots d'origine indo-européenne, comme fero («je porte»), fides («confiance»), pater («père»), pons («pont»), qui ont leur équivalent dans les autres langues indo-européennes. À cela il faut ajouter les emprunts faits aux langues méditerranéennes comme les dialectes italiques - fovea («fosse»), fenum («foin») - et surtout à la langue étrusque - littera («lettre»), miles («soldat»), histrio («mime»), et les emprunts aux langues celtiques comme le gaulois - carrus («chariot»), gaesum («javelot»), braca («braies»).
Les emprunts les plus anciens au grec se firent par le canal populaire de l'oral - oleum («huile»), nauta («matelot»), ampora, hellénisé par la suite en amphora («amphore») -; d'autres se firent par la langue écrite littéraire - comoedia («comédie»), Musae («muses»), philosophia («philosophie») -, vulgarisée par Cicéron. Le latin chrétien emprunta beaucoup au grec, surtout pour le vocabulaire des institutions ecclésiastiques, de la hiérarchie cléricale et des objets et pratiques propres au christianisme : ecclesia («église»), apostolus («apôtre»), baptisma («baptême»).
Les débuts de la littérature latine
Elle naît au contact des Grecs de l'Italie du Sud et de la Sicile, et se développe principalement dans deux genres différents : l'épopée et le théâtre.
Les premiers écrits en langue latine
Livius Andronicus (vers 280-207 av. J.-C.) commence par proposer une traduction libre en vers saturniens de l'Odyssée. Mais par la suite, Cneius Naevius (vers 270-201) et Quintus Ennius (239-169) romaniseront leur inspiration, le premier avec sa Guerre punique, encore en vers saturniens, et le second avec ses Annales, qui retracent, dans l'hexamètre dactylique des Grecs, toute l'histoire romaine depuis les origines légendaires.
Les mêmes auteurs et d'autres, comme Marcus Pacuvius (vers 220-132) et Lucius Accius (vers 170-86), s'essaient à la tragédie, le plus souvent d'inspiration grecque. Caius Lucilius (vers 180-105) inaugure, lui, la tradition de la satire, genre littéraire romain composite – satura signifiant «sorte de farce, de macédoine» –, souvent plein de piquant.
Les comédies de Plaute et de Térence
Des écrits de tous ces auteurs il ne reste que des fragments, les premières.uvres complètes qui nous sont parvenues étant des pièces de théâtre : comédies de Plaute (vers 254-184) et de Térence (vers 190-159).
De Plaute, une vingtaine de pièces sont attestées, dont deux seulement datées avec précision : Stichus (du nom de l'esclave de l'un des deux frères ruinés dont la pièce raconte le retour à Athènes, une fois fortune faite) de 200, et Pseudolus (l'Imposteur ) de 191. Certaines de ses autres pièces exerceront une influence sur la littérature française : les tirades du Miles gloriosus (le Soldat fanfaron ) préfigurent celles du Matamore de l'Illusion comique, de Corneille ; Amphitryon sera imité par Molière, ainsi que la Comédie de la marmite, qui lui inspirera l'Avare ; quant à Casina, elle annonce pour partie le Mariage de Figaro, de Beaumarchais.
La première comédie de Térence, l'Andrienne, est représentée en 166 et sa sixième et dernière, les Adelphes, en 160. Si ses comédies mettent en scène les mêmes personnages convenus que celles de Plaute, elles les présentent avec le souci d'une psychologie à la fois exacte et nuancée. La langue qu'il emploie n'a rien de populaire, c'est celle de la conversation des milieux cultivés, comme les cercles des Scipions et des Emiliens, qu'il fréquente.
Caton le Censeur
Soldat, paysan et homme politique énergique, Caton le Censeur (234-149 av. J.-C.) œuvre à contre-courant, en farouche défenseur de l'antique moralité nationale, et en adversaire acharné des nouveautés corruptrices de l'hellénisation. Pour favoriser une nouvelle économie agricole, il écrit, en un style à la fois sec et concis, son traité De agricultura, qui décrit les différentes tâches et activités d'un propriétaire terrien.
L'âge cicéronien
La fin de la République est dominée par la personnalité de Cicéron, avocat qui, avec beaucoup de brio, de talent et d'éloquence, plaide, pour la défense aussi bien que pour l'accusation, bon nombre de procès privés et politiques, ce qui nous a valu notamment le Pro Milone (52), ou, parmi les cinq fameux discours contre Verrès, le très célèbre De signis.
Cicéron
Cicéron (106-43 av. J.-C.) atteint des sommets d'efficacité oratoire, porté par un style qu'il soumet à des règles proches de celles de la musique, et grâce auxquelles ses arguments sont accentués par le rythme et la cadence : la «période» cicéronienne, phrase complexe et ample, est un modèle d'équilibre. Cicéron est aussi un penseur qui introduit à Rome la philosophie grecque, y compris sous la forme dialoguée que Platon aimait à lui donner : Discussions de Tusculum ou Tusculanes, qui traitent de l'immortalité de l'âme et du bonheur, Laelius ou De l'amitié, Caton l'Ancien ou De la vieillesse. Théoricien de la rhétorique, il systématise sa pratique et ses idées en la matière, et juge celles de ses compatriotes dans le De oratore ou dans le Brutus notamment. Consul en 63, il écrase la conjuration de Catilina en prononçant ses quatre célèbres Catilinaires, puis sera exilé pour avoir fait exécuter sans jugement les complices de Catilina, et enfin tué par des soldats au service de ses adversaires politiques. Il laisse, outre une abondante Correspondance – publiée après sa mort par Octave, qui cherche ainsi à atteindre son rival Antoine –, de redoutables pamphlets, avec ses quatorze Philippiques (appelés ainsi en souvenir et en imitation des discours de Démosthène), discours passionnés contre le même Antoine. La diversité et la richesse du génie de Cicéron expliquent la place centrale que, traditionnellement, il occupe dans ce qu'on appelle couramment les humanités classiques.
La littérature historique
L'époque républicaine voit également se développer la littérature historique, qui s'oppose à l'idéal oratoire cicéronien, en rejetant l'éloquence et l'ornement. César (101-44), s'il est avant tout un homme politique, accompagne ses campagnes militaires contre les Gaulois de ses Commentaires sur la guerre des Gaules (51), puis sa guerre contre Pompée de ceux sur la guerre civile (44), ouvrages qui, sous des dehors de chroniques objectives, servent la politique et la personne de César et révèlent un écrivain sobre, précis et efficace. Salluste (87-35) fait davantage œuvre d'historien politique en prenant en considération le contexte social et les causes morales des événements. Il analyse ainsi, dans un style très concis et rythmé, la conjuration manquée de Catilina en 63 dans sa Conjuration de Catilina, qui donne une autre vision des faits que celle de Cicéron, et la guerre que Rome mène de 111 à 105 contre le roi des Numides, Jugurtha, dans la Guerre de Jugurtha. Cornelius Nepos (99-24) n'est qu'un vulgarisateur qui inaugure le genre de la biographie anecdotique et condensée, avec les Vies des grands capitaines des nations étrangères et Vie de Caton l'Ancien.
La poésie
Elle est également représentée à l'époque cicéronienne, même s'il ne s'agit pas des plus grands poètes latins. Le plus célèbre et le plus indépendant reste Lucrèce (vers 98-55), qui, dans son poème en hexamètres De natura rerum (la Physique ), mêle poésie et philosophie didactique, en présentant, pour éliminer la crainte des dieux, la doctrine atomique qu'Epicure reprit au philosophe grec Démocrite.
Catulle (87-54) appartient à l'école des poetae novi («poètes novateurs»), qui méprisent les anciens comme Ennius, et prisent fort la poésie alexandrine, notamment celle de Callimaque. Il compose des pièces plutôt courtes, de tons variés et facilement intime ou enjoué – comme le célèbre Moineau de Lesbia, Lesbia étant le nom qu'il prête à celle qu'il aime –, voire langoureux.
Le latin impérial
On peut subdiviser en trois périodes successives ce qu'on appelle globalement le latin impérial : d'abord l'époque augustéenne, qui correspond au règne de l'empereur Auguste (27 av. J.-C. - 14 apr. J.-C.), puis l'époque claudienne (14-68) sous les empereurs Tibère, Caligula, Claude et Néron, et enfin, de 69 à 96, celle des Flaviens (c'est-à-dire Vespasien et ses deux fils, Titus et Domitien) et, de 96 à 192, des Antonins (c'est-à-dire Nerva, Trajan, Hadrien, Antonin, Marc Aurèle et Commode).
Le latin augustéen
A l'inverse de ce qui se passe à la période précédente, c'est la poésie qui domine la prose, avec la grande figure de Virgile.
Virgile
Sur le modèle des poèmes pastoraux de Théocrite, mais en y transposant les paysages et l'histoire de l'Italie, Virgile (70-19 av. J.-C.) écrit ses dix Bucoliques (lesquelles seront traduites en alexandrins blancs par Paul Valéry et en alexandrins rimés par Marcel Pagnol). La première églogue, notamment, chante le départ d'un berger chassé par les vétérans victorieux d'Octave, et la quatrième le retour prophétique de l'âge d'or. Dans les Géorgiques, poème didactique sur l'agriculture, Virgile célèbre la nature italienne avec ses champs, ses vignes, ses troupeaux et ses abeilles. Enfin, dans l'Enéide, poème épique national, il donne aux Romains leur Odyssée avec les six premiers chants, et avec les six derniers leur Iliade, en célébrant d'une part le voyage légendaire d'Enée de Troie à Rome – par Carthage, où il refuse l'amour de la reine Didon et fonde ainsi mythiquement la rivalité entre les deux métropoles ennemies – et d'autre part sa conquête de l'Italie, son triomphe sur Camille, la reine des Volsques, et sur Turnus, le champion des Latins. Avec cette épopée, il se range, aux côtés de Cicéron, parmi les fondateurs mêmes de la culture latine.
La poésie
Cette période connaît d'autres poètes importants, d'Horace (65-8) à Tibulle (50-19), Properce (50-15) et Ovide (43 av. J.-C. -17 apr. J.-C.). Horace, protégé et ami de Mécène, à qui il fut présenté par Virgile, compose tout d'abord des oeuvres satiriques et mordantes en métrique iambique, les Épodes, puis des oeuvres d'une grande poésie lyrique en strophes saphiques, alcaïques ou asclépiades sur les sujets les plus divers, les Odes. Il écrit aussi des causeries en hexamètres, pleines de vivacité, de pittoresque et de malice, qui, dans un esprit épicurien et mesuré, traitent de mille sujets, et notamment de morale et de littérature, les Satires, les Épîtres et la fameuse Épître aux Pisons, vite surnommée l'Art poétique. Tibulle et Properce sont tous les deux des poètes élégiaques qui chantent leurs amours, Tibulle en poète de la vie rurale, avec une aisance pleine d'harmonie et de grâce, Properce avec une fermeté souvent ardente et parfois obscure. Ovide est, quant à lui, un poète prolixe, à qui l'on doit, notamment, cinq livres d'élégies, les Amores, un célèbre Art d'aimer, les Métamorphoses, traitées sur un mode pittoresque ou gracieux et composées de quinze livres en hexamètres, et, après qu'Auguste l'eut exilé à Tomes, au bord du Pont-Euxin, sans qu'on en sache vraiment la raison, des élégies personnelles pleines de douleur et de désespoir, les Tristes et les Pontiques, qui, malgré quelques recherches, semblent d'une parfaite sincérité et d'une grande sensibilité.
La prose
L'époque augustéenne brille également en prose, avec Tite-Live (64 av. J.-C. - 17 apr. J.-C.), qui se consacre principalement à écrire les 142 livres de son Histoire romaine depuis les origines, divisée en «décades», ou ensembles de dix livres. De cette œuvre nous ne possédons que la première décade (des origines à 293 av. J.-C.), et les livres 21 à 45 (de la deuxième guerre punique, en 210 av. J.-C., au triomphe de Paul Émile, en 168). Tout en s'appuyant le plus possible sur des sources pas toujours suffisamment critiquées, Tite-Live suit un plan chronologique, mais il raconte les faits en artiste, combinant harmonieusement et dramatiquement récits, discours et portraits pour la plus grande gloire de Rome. Varron (116-27 av. J.-C.), qui appartient à la fois à l'époque cicéronienne et au siècle d'Auguste, est un écrivain encyclopédiste : il écrit sur sa langue (De lingua latina), sur les travaux des champs (Traité d'agriculture), sur les problèmes moraux et philosophiques les plus variés (Satires Ménippées, recueil en prose et en vers, dont il ne reste que les 150 titres), sur les institutions humaines et sur la religion romaine (Des antiquités), sur la géométrie, l'arithmétique, l'astronomie, la médecine, l'architecture et bien d'autres sujets.
L'époque claudienne
Mis à part le fabuliste Phèdre, dont le talent, bien qu'original, prolonge la période classique, les auteurs de ce temps s'efforcent de renouveler la littérature. Dans son Histoire d'Alexandre, Quinte-Curce satisfait au goût romantique de l'époque pour l'orientalisme. Lucain (39-65), dans la Pharsale, renouvelle complètement l'épopée en refusant tout merveilleux ; il y présente le drame de la guerre civile avant tout comme un drame personnel, les événements étant dominés par de grandes figures telles que César, Pompée, et surtout Caton. Pétrone (mort en 65) crée le premier roman antique, le Satiricon, véritable roman picaresque dont il ne nous reste que des fragments ; dans le célèbre épisode du «Festin chez Trimalcion», il brosse un tableau satirique et caricatural des débauchés et des petites gens qui fréquentent la table d'un riche affranchi.
Sénèque
Philosophe moraliste qui s'essaie à la carrière politique, Sénèque (v. 2 av. J.-C.- 65 apr. J.-C.) domine cette période en développant une pensée essentiellement stoïcienne qu'enrichissent une profondeur et une clairvoyance psychologiques inconnues jusqu'alors. On range sous le titre général de Dialogues aussi bien des traités de morale – De la colère, De la vie heureuse (58-59) – que des lettres de condoléances – Consolation à Marcia. Sénèque dédie aussi à Néron, dont il est, en même temps que Burrus, le précepteur, son traité De la clémence (entre 55 et 59) et déploie son talent d'écrivain et de directeur de conscience dans ses célèbres Lettres à Lucilius (entre 63 et 65). Son style efficace refuse la période cicéronienne, mais éclate en images ou en formules saisissantes. Sénèque écrit également une dizaine de tragédies d'inspiration stoïcienne, notamment Medea et Phaedra, dont Corneille et Racine s'inspireront, le premier pour Médée, et le second pour Phèdre.
La période des Flaviens et des Antonins
Le règne des Flaviens voit se développer un nouveau classicisme, que synthétise l'orateur Quintilien (vers 30-vers 95) dans son Institution oratoire (vers 95). A cela, comme dans le passé, le réalisme satirique réagit vigoureusement avec Martial (40-104), et ses Epigrammes, petites pièces d'observation pleines de trouvailles spirituelles et stylistiques, et avec Juvénal (65-128), et ses Satires, âpres critiques de la société flavienne alors révolue qu'anime une indignation éloquente et moralisatrice. Pline le Jeune (62-113), pour sa part, cultive l'éloquence officielle dans son Panégyrique de Trajan, et une vivacité un peu mondaine dans ses Lettres, où il fait aussi preuve d'honnêteté et de curiosité, à l'instar de son oncle Pline l'Ancien (23-79), qui a tenté, à travers nombre d'ouvrages – desquels ne subsiste qu'une Histoire naturelle, en 37 livres –, de rassembler toutes les connaissances de son temps.
Tacite (vers 55-120), ami de Pline, fait une carrière politique sous Vespasien, Domitien et Nerva, et domine son temps, avec deux grandes fresques historiques au style dense et dramatique : ses Histoires (106-109) vont de la mort de Néron à celle de Domitien, tandis que ses Annales (vers 117) couvrent la période allant du règne de Tibère à celui de Néron. Avec un pessimisme psychologique plus profond encore que celui de Salluste, il stigmatise, dans un style d'une concision saisissante, les vices des individus en essayant de mettre au jour, de façon souvent dramatique, les mobiles humains plus que les causes générales des événements. C'est à juste titre que Racine le considérera comme «le plus grand peintre de l'Antiquité».
Suétone (vers 70-vers 140), également ami de Pline, publie, dans ses Vies des douze Césars, les biographies pleines d'anecdotes et de détails particuliers des maîtres de Rome, depuis César jusqu'à Domitien. Apulée (125-170) enfin est un polygraphe doué, dont le chef-d'œuvre est incontestablement les Métamorphoses (ou l'Âne d'or ), roman cocasse et parfois scabreux, qui rapporte les mésaventures d'un jeune homme métamorphosé en âne par une erreur de magie et qui, après avoir retrouvé son apparence humaine, se fait finalement initier aux mystères d'Isis.
Le latin chrétien
On appelle ainsi la forme particulière et originale que prend le latin dans le groupe social des premiers chrétiens. Tout en étant bien entendu nourri de la langue commune, il se caractérise et s'en distingue par trois propriétés sociolinguistiques : d'abord des traits populaires, dus au fait que les premiers chrétiens étaient surtout des esclaves, ensuite des emprunts au grec, l'idéologie et les institutions chrétiennes s'étant, au début, exprimées en grec et répandues dans les cercles juifs hellénisés, et enfin l'influence, tant sur la pensée que sur l'expression, de la Bible, qui, d'abord en grec, reçut rapidement plusieurs traductions partielles et différentes dans un latin populaire, que l'on désigne du nom global de Vetus latina pour l'Italie et de Vetus afra - probablement plus ancienne que la Vetus latina - pour l'Afrique.
Après une période de particularisme fortement marqué et d'opposition systématique au vocabulaire et à la culture du paganisme, qui correspond aux temps des persécutions, le latin chrétien s'est, pendant les IVe et Ve siècles, rapproché de la langue commune par un certain retour aux traditions de la langue et de la culture classiques.
Le temps des apologistes
Dans les premiers temps, les chrétiens répondent aux persécutions par des apologies. C'est en Afrique, dans la communauté de Carthage, qu'apparaissent les premières oeuvres littéraires chrétiennes de langue latine. Né à Carthage, le batailleur et rigoriste Tertullien (vers 155-220) domine cette période. Il inaugure en Occident le genre apologétique en publiant, notamment, une virulente critique du paganisme, Aux nations, et une célèbre défense du christianisme, l'Apologétique (197). Saint Cyprien, professeur de rhétorique, évêque de Carthage de 248 à 258, est exilé par suite d'un édit de persécution de l'empereur Valérien et sera finalement décapité à Carthage ; il se distingue surtout par ses Lettres et par un ouvrage qui exhorte les chrétiens au courage dans les persécutions, De exhortatione martyrii ad fortunatum. Lactance (vers 260-325), professeur de rhétorique en Bithynie, est surtout l'auteur des sept livres des Institutions divines, où il démontre et oppose, dans un style cicéronien qui lui vaudra le surnom de «Cicéron chrétien», l'absurdité de la religion et de la philosophie païennes et la sagesse de la morale et des dogmes chrétiens.
Les Pères de l'Eglise
Au IVe siècle, l'apogée de la littérature chrétienne est marqué par l'entente entre le christianisme et l'Empire : la société romaine se christianise, l'empereur Constantin (306-337) se convertit. Le latin chrétien devient ainsi la langue commune de l'Occident, mais en se rapprochant des sources mêmes de la grande littérature classique. C'est l'époque où saint Jérôme, par exemple, amende le texte des traductions de la Bible et en donne une nouvelle version – appelée Vulgata (editio) ou la Vulgate –, qui se veut plus proche de la langue des auteurs latins classiques, tout en étant revue à partir de l'original hébraïque. Saint Hilaire (vers 315-367), évêque de Poitiers, étudie Quintilien et combat l'hérésie arienne, contre laquelle il écrit les douze livres du De Trinitate. De saint Ambroise (vers 340-397), évêque de Milan, on retiendra surtout le Sur les devoirs des ministres sacrés, qui adapte, parfois de façon très littérale, le De officiis de Cicéron, et l'invention de l'hymne dite ambrosienne avec ses strophes composées de quatre dimètres iambiques. Saint Jérôme (vers 347-420), secrétaire du pape Damase, est l'esprit le plus scientifique de son temps : outre la Bible, il traduit différents ouvrages de Pères grecs et, notamment, les oeuvres exégétiques d'Origène, dont il s'inspirera beaucoup dans ses propres travaux d'exégèse ; on lui doit un De viris illustribus, sur les écrivains chrétiens des quatre premiers siècles, et une Correspondance pour la direction de ses filles spirituelles, dont il reste 117 lettres, au style nerveux et imagé, à la tendresse surprenante et aux exigences parfois très dures.
Saint Augustin
Professeur de rhétorique converti, puis évêque d'Hippone, en Afrique, saint Augustin (354-430) est le plus beau fleuron de la littérature et de la langue latine chrétiennes. Il compose de très nombreux sermons, comme les quelque 180 Sermons sur les Psaumes (394-418), un certain nombre de travaux comme son De la doctrine chrétienne (397-427), où il précise ses principes d'exégèse et sa théorie du style, un grand nombre d'ouvrages philosophiques comme le Contra Academicos, le De beata vita, le De immortalitate animae (où il fonde le courant de philosophie chrétienne d'inspiration platonicienne), et de multiples ouvrages de controverse contre les différentes hérésies de son temps : manichéisme, donatisme, pélagisme, etc. Mais saint Augustin est surtout l'auteur d'un dialogue émouvant avec Dieu – dont il chante les louanges et médite les grandeurs à partir notamment de certains événements autobiographiques –, les Confessions (397-401), et d'une brillante et extraordinaire synthèse de la pensée chrétienne, la Cité de Dieu (413-427).
Le latin tardif
On appelle ainsi, de façon plutôt imprécise, la langue latine qui, postérieure à celle des écrivains de la période des Flaviens et des Antonins, constitue une transition vers les langues romanes. C'est une langue où la tradition littéraire classique, plus ou moins bien assimilée, est mêlée à une influence de la langue parlée, dite traditionnellement «vulgaire».
Des textes en langue «vulgaire»
On la trouve dans des textes profanes comme la Mulomedicina Chironis, traité vétérinaire composé entre 334 et 400 et attribué à un certain Chiron Centaurus (qui est probablement un pseudonyme), ou l'Appendice de Probus, liste de fautes corrigées dressée après 568 par un puriste, mais aussi dans des textes influencés par le latin chrétien, comme la Pérégrination d'Egérie (vers 400), qui raconte le pèlerinage en Terre sainte d'une dévote, ou l'Histoire des Francs, due à Grégoire dit de Tours, ville dont l'auteur fut l'évêque de 573 à 594.
Travaux de grammairiens
Mais à côté de ces textes de latin «tardif» ou «vulgaire» contaminés par la langue parlée, il existe des textes latins non chrétiens qui perpétuent la langue et la littérature classiques. Ce sont principalement des travaux de grammairiens. Donat, qui enseigna vers 350 à Rome, où il eut notamment saint Jérôme pour élève, y a composé un cours complet de grammaire latine (Ars grammatica) qui sera utilisé dans toutes les écoles médiévales. Macrobe, au Ve siècle, serait plutôt un philologue avec son commentaire du Songe de Scipion, de Cicéron, et ses Saturnales, dont la plupart des textes concernent l'explication de Virgile. Priscien, qui enseigne à Constantinople en 525, écrit une Grammaire fort complète, qui se divise en deux parties, la première consacrée à la phonétique et à la morphologie, la seconde à la syntaxe.
La décadence
Les invasions germaniques entraînent au Ve siècle une fragmentation de l'Empire romain et un déclin de la culture. Quelques fortes individualités s'emploient néanmoins à recueillir et à transmettre l'héritage du passé. Boèce (vers 480-524), consul en 510, qui commence la traduction d'Aristote en latin et doit sa gloire à son De la consolation de la philosophie, est le premier des scolastiques. Cassiodore (vers 490-580) se retire au monastère de Vivarium, en Italie du Sud, et y écrit ses Institutions. Saint Isidore (vers 560-636), archevêque de Séville, compose avec ses Étymologies une véritable encyclopédie des connaissances humaines de l'époque, qui sera utilisée, voire pillée, par tout le Moyen Age. C'est dans les monastères que se réfugie ensuite la culture littéraire.
La survie du latin
Après sa disparition en tant que langue populaire parlée et l'apparition des langues romanes, le latin ne meurt pas pour autant. Car existe alors ce qu'on appelle le latin médiéval, qui serait, d'une certaine façon, un prolongement du latin tardif.
Le latin médiéval
Langue culturelle vivante non d'une communauté ethnique, mais de la Respublica clericorum, le latin médiéval fusionne deux autorités, celle de la Bible et celle de Donat.
La «Renaissance carolingienne»
Commencée par Pépin le Bref, poursuivie par Charlemagne et continuée par Charles le Chauve, la «Renaissance carolingienne» (768-804) relance l'étude du latin en créant des écoles dans les palais, les sièges épiscopaux et les abbayes. Relevant d'un objectif avant tout ecclésiastique - redonner de l'instruction au clergé -, l'Antiquité des écoles carolingiennes est celle des auteurs païens classiques et celle des Pères de l'Eglise, mais aussi celle des grammairiens et des écrivains de l'Antiquité tardive, ce qui explique que le latin médiéval s'éloigne quelque peu du latin classique. C'est ainsi que sont écrits en latin des ouvrages didactiques, comme les manuels sous forme dialoguée d'Alcuin (vers 732-804), le grand artisan de la réforme voulue par Charlemagne, l'Histoire des Lombards, de Paul Diacre (720-800), ou le De la division de la nature (865), de l'Irlandais Jean Scot Erigène (vers 810-877), rare synthèse philosophique et théologique du haut Moyen Age, et des poèmes comme la belle hymne Gloire, louange et honneur à toi, du Wisigoth d'Espagne Théodulf, évêque d'Orléans (vers 750-821) – hymne encore chantée, dans la liturgie de saint Pie V, au XVIe siècle, pendant la procession du dimanche des Rameaux.
Du XIe au XIIIe siècle
Au XIe siècle, Hermann le Contrefait (1013-1054), moine à Reichenau, écrit, outre une chronique universelle, des poèmes tels que l'Alma Redemptoris Mater et peut-être aussi le Salve Regina misericordiae. Le XIIe siècle voit se développer la théologie et la philosophie, avec de grands esprits comme Abélard (1079-1142) et saint Bernard (1090-1153), premier abbé de Clairvaux. Au XIIIe siècle sont créées les premières universités, qui certes élargissent le nombre des étudiants et des enseignants utilisant le latin, mais qui font aussi entrer le français dans certains cours. Ce siècle, comme le précédent, est dominé par de grands penseurs et théologiens : Guillaume d'Auvergne (1180-1249), évêque de Paris et confesseur de Blanche de Castille, saint Bonaventure (v. 1221-1274), franciscain surnommé «le Docteur séraphique», et saint Thomas d'Aquin (1225-1274), dominicain surnommé «le Docteur angélique», qui, dans sa célèbre Somme théologique, utilise systématiquement la pensée d'Aristote pour fonder la théologie. Ces deux siècles ne négligent pas pour autant la poésie : les grands penseurs qui en font le renom, comme, au XIIe siècle, Abélard et saint Bernard, et, au XIIIe siècle, saint Bonaventure et saint Thomas d'Aquin, sont aussi d'excellents poètes. Ce dernier compose des hymnes chantées ensuite dans la liturgie catholique, parfois même encore aujourd'hui, comme Pange, lingua, gloriosi corporis mysterium («Chante, ma langue, le mystère du corps glorieux»), Lauda, Sion, Salvatorem («Loue, Sion, ton Sauveur») ou Ave verum Corpus natum ex Maria Virgine («Salut, ô Corps véritable né de la Vierge Marie»). Des siècles suivants on ne peut guère mentionner que l'Imitation de Jésus-Christ, chef-d'œuvre qui est une des dernières manifestations du latin médiéval et dont l'auteur présumé est le Rhénan Thomas a Kempis (1380-1471).
Le néolatin
A partir du XIVe siècle, les humanistes italiens d'abord, puis français, affichent un mépris profond pour les particularités barbares du latin médiéval, et préconisent un retour au style cicéronien ou virgilien. Pétrarque (1304-1374), dont la gloire vient surtout des 367 pièces – en majeure partie des sonnets – du Canzionere, attendait l'immortalité de ses oeuvres latines, qui sont seize à dix-sept fois plus volumineuses que ses poèmes italiens, et notamment de son poème épique Africa. Boccace (1313-1375) renonce, vers la quarantaine, à écrire en italien et compose alors seize églogues en latin, réunies sous le titre de Bucolicum carmen. Apparaît ainsi ce qu'on appelle le néolatin, langue savante et réapprise, qui est lue et même parlée par une élite et n'est plus étendue, comme au Moyen Age, aux seuls clercs.
La poésie amoureuse
Elle connaît alors une grande vogue dans toute l'Europe, avec en Italie le Siennois Enea Silvio Piccolomini (1405-1464), qui deviendra pape sous le nom de Pie II, les Florentins Cristoforo Landino (1424-1498) et Ange Politien (1454-1494), le Napolitain Giovanni Giovano Pontano (1426-1503) et l'aventurier né à Constantinople Michele Marullo (1453-1500). Mais la palme de la poésie amoureuse en latin revient incontestablement au Flamand Jan Everaerts, dit Jean Second (1511-1536), qui, avec ses Baisers à la versification très aisée et très variée, inaugure un thème littéraire érotique souvent imité par la suite.
Erasme
Maître de l'humanisme européen, Erasme (1446-1536) domine les trente-cinq premières années du XVIe siècle par son érudition et par ses oeuvres littéraires, philosophiques et poétiques. Seul son ouvrage majeur, l'Éloge de la folie (Encomium moriae, 1509), est passé à la postérité ; mais l'humour et la satire de ses Colloques familiers sont vivement appréciés de ses contemporains. Dans son traité sur le libre arbitre (De libero arbitrio, 1524), il prend position contre Luther, qui lui répliquera par son De servo arbitrio (1526). Deux autres humanistes sont aussi de remarquables écrivains : le Français Guillaume Budé (1467-1540) et le Flamand Juste Lipse (1547-1606).
Les poètes de la Pléiade
Ils combattent les néolatins, que du Bellay traite de «reblanchisseurs de murailles» dans sa Deffence et illustration de la langue françoyse, et Ronsard de «latineurs et grécaniseurs» qui ont «recousu et rabobiné je ne sais quelles vieilles rapetasseries de Virgile et de Cicéron» dans la préface de sa Franciade. Cela n'empêche pas du Bellay d'écrire, tout comme Jean-Antoine de Baïf (1532-1589) et Jean Dorat (1508-1588), quelques beaux poèmes en latin. Et si la langue vulgaire acquiert alors de plus en plus d'importance et de noblesse, elle n'éclipse pas pour autant le latin, qui connaît, au moins dans les écoles, une diffusion accrue : une ordonnance de François I, renouvelée sous Henri IV en 1598, prescrit en effet l'usage du latin dans les collèges pour les exercices comme pour les récréations.
Le latin des collèges de jésuites
Les écoles des ordres enseignants, qui se développent à partir de la seconde moitié du XVIe siècle, jouent un grand rôle dans cette nouvelle diffusion du latin, et notamment les collèges de jésuites, qui mettent tout particulièrement à l'honneur vers latins et tragédies latines. Au XVIIe siècle, le collège Louis-le-Grand voit se succéder à la chaire de rhétorique le Père Gabriel Le Jay, le Père Charles Porée, qui fut le maître de Voltaire, et les Pères Jean Commire, Charles de La Rue, René Rapin, qui, vers 1684, formeront, avec le chanoine Jean de Santeul, l'abbé Gilles Ménage, le médecin Pierre Petit et le gentilhomme provençal Charles du Perrier, une «Pléiade latine».
C'est vers la fin du XVIIIe siècle que la poésie latine disparaît brusquement dans toute l'Europe, et ce probablement parce que le français, à cause de la diffusion de ses chefs-d'œuvre littéraires, remplace alors le latin comme langue internationale.
L'abandon progressif du latin
En dehors des lettres, c'est dans le domaine de la philosophie que le latin subit les premiers assauts. Descartes innove en publiant en français son Discours de la méthode (1637) ; toutefois ses fameuses Méditations métaphysiques de 1647 sont encore précédées, en 1641, d'une première publication en latin sous le titre de Meditationes de prima philosophia. Le latin restera ainsi jusqu'au milieu du XVIIIe siècle la langue internationale de la philosophie : si le Hollandais Spinoza (1632-1677) n'écrit qu'en latin, l'Allemand Leibniz (1646-1716) écrit en latin et en français, et peu en allemand.
En France, la pratique de la poésie latine persiste jusqu'au XIXe siècle dans les écoles : Baudelaire obtient au concours général de 1837 un deuxième prix de vers latins, et insère dans les Fleurs du mal un poème rimé en latin, «Franciscae meae laudes» («Louanges de ma Françoise»). Ce n'est qu'en 1880 qu'une réforme universitaire du baccalauréat remplace la composition latine par la composition française. Et jusqu'en 1910, les candidats au doctorat soutiendront une thèse complémentaire en latin.
Le latin de l'Eglise catholique
Si le latin est encore présent au-delà de cette époque, c'est en tant que langue de l'Eglise catholique romaine.
La langue officielle de l'Eglise catholique
Aujourd'hui encore, même si, depuis le concile Vatican II, il peut ne plus être – et de fait n'est plus – utilisé dans la liturgie de la messe et des autres offices religieux, le latin reste la langue officielle de la liturgie et des documents de l'Église catholique. Les textes lus à la messe ne sont en effet que des traductions en langue vulgaire, autorisées par l'épiscopat, de ce qu'on appelle couramment la messe de Paul VI, qui est en latin et qui a remplacé l'ancienne messe de saint Pie V, que les catholiques intégristes continuent à dire, bien sûr, en latin. Ceux qui suivent le concile Vatican II peuvent dire en latin la messe de Paul VI ; mais ils doivent pour ce faire avoir l'autorisation de l'évêque du lieu quand il ne s'agit pas d'une messe privée.
Le pape s'adresse officiellement aux croyants par des documents rédigés en latin, et dont les deux ou trois premiers mots constituent ordinairement le titre.
Les textes pontificaux
L'histoire politique et religieuse du XIXe et du XXe siècle est de fait marquée par un certain nombre de textes pontificaux, qui portent sur les grands problèmes du temps. C'est ainsi que, le 8 décembre 1864, le pape Pie IX condamne le modernisme ou libéralisme moderne dans l'encyclique Quanta cura et surtout dans un célèbre Syllabus qui, en 80 propositions, énumère les principales erreurs contemporaines.
Le 15 mai 1891, le pape Léon XIII précise, dans l'encyclique Rerum novarum, les grandes lignes du catholicisme social, qui seront reprises et complétées le 15 mai 1931 par Pie XI dans l'encyclique sociale Quadragesimo anno, le 15 mai 1961 par Jean XXIII dans l'encyclique Mater et magistra, le 26 mars 1967 par Paul VI dans l'encyclique Populorum progressio, le 30 décembre 1987 par Jean-Paul II dans l'encyclique Sollicitudo rei socialis, et le 1er mai 1991, toujours par Jean-Paul II, dans l'encyclique Centesimo anno, qui marque le centenaire de Rerum novarum.
Le 29 juin 1931, le pape Pie XI dénonce le fascisme italien dans une encyclique qui aurait été rédigée d'abord en latin, Proprio pugno, mais publiée en italien, par l'Osservatore romano sous le titre Non abbiamo bisogno. Il condamne aussi vigoureusement le nazisme dans l'encyclique du 14 mars 1937, rédigée et enregistrée officiellement en allemand, Mit brennender Sorge, que le communisme et le marxisme dans l'encyclique Divini Redemptoris, du 19 mars 1937.
Le concile Vatican II (1962-1965) a encore donné lieu à la publication en latin de seize documents capitaux, mais il reste que le latin n'est finalement plus aujourd'hui dans l'Eglise romaine qu'une langue écrite de culture et, surtout, de référence.
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